Langues officielles : enfin du mordant

L’adoption aux communes du projet de loi S-3 augure bien pour les minorités linguistiques. Après 35 ans de la Loi sur les langues officielles, la Commissaire Dyane Adam déplorait justement l’absence de recours légal aux minorités linguistiques contre le gouvernement.

Le projet de loi S-3, déjà mort plusieurs fois au feuilleton, a enfin reçu l’approbation des élus à la Chambre des communes. Seuls les députés du Bloc se sont opposés au projet. S’il reçoit l’appui du Sénat, S-3 donnera recours aux minorités en vertu de la Loi sur les langues officielles. La loi n’est pour le moment qu’un énoncé de principe dont l’application repose sur la bonne volonté du gouvernement.

« Il est temps que le gouvernement fédéral donne aux minorités des outils pour se défendre. L’adoption du projet de loi S-3 devrait nous permettre de le faire. Nous serons désormais capables d’aller devant les tribunaux quand nous le jugerons nécessaire, » explique Jean-Guy Rioux, le président de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA).

La Commissaire aux langues officielles, Dyane Adam espérait que ce changement ait lieu dans son bilan des 35 années de la Loi. « Le résultat net est celui d’une progression dans tous les secteurs » mais il reste toujours des lacunes, explique Mme Adam.

Il y a deux ans, le gouvernement avait établi un plan d’action pour les langues officielles auquel on attribuait 751 millions pendant cinq ans. Le plan répartissait la somme au développement de l’éducation, au développement communautaire et à la fonction publique.

Pourtant, la Commissaire souligne que le financement des minorités en éducation prend du retard : des 65 millions promis par le fédéral pour l’année 2003, seuls 50 ont été remis. De plus, le gouvernement a annoncé le report jusqu’en 2007 d’une mesure sur les centres de la petite enfance pour les francophones.

Dans le dossier de l’assimilation, Mme Adam rappelle qu’en Alberta et en Saskatchewan le taux d’assimilation frôle 50%. Une famille sur deux n’enseigne plus le français à ses enfants.

Quant à la fonction publique, la Commissaire remarque une amélioration, dont plusieurs postes sont maintenant bilingues. Mais elle ne crie pas victoire : « Mes rapports annuels précédents, comme celui-ci, indiquent un plafonnement, même une stagnation (…) au chapitre du service au public. »

L’attitude de « laisser faire » des politiciens contribue au problème, estime Mme Adam. « Les élus doivent être conscients que leur action, ou inaction, a un impact profond sur l’appareil administratif. » Elle déplore que les députés ne profitent pas de la période des questions pour signaler les problèmes des langues officielles. Ou bien qu’ils ferment les yeux sur le sujet. Selon elle, ce laxisme nuit à l’obligation d’agir des ministres.

D’après la Commissaire, les dirigeants comprennent mal la portée de la Loi sur les langues officielle. Elle vise plus que le développement du bilinguisme au pays, elle doit établir un mode de gestion ouvert et démocratique. « Nous avons au Canada différentes collectivités qui partagent un même espace. Cette expérience nous a menés à innover et à adopter un modèle de gouvernance qui nous distingue sur la scène internationale. »

Bien que le gouvernement contribue financièrement aux médias francophones, télé, radio et hebdos, ce n’est pas suffisant. Mme Adam et M. Rioux de la FCFA s’accordent pour dire que la communauté francophone canadienne s’érode. Ils espèrent que l’adoption du projet S-3 arrive à combler certaines lacunes et à renforcir la place des francophones au Canada.

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