Le pont de l’innovation
L’ouverture en mai 1997 du pont de la Confédération a enfin offert une voie terrestre entre le Nouveau-Brunswick et l’Île-du-Prince-Édouard. Enfouit au cœur de ces 12,9 km se cachent plus de 750 capteurs, mesurant l’effet de la météo sur cette immense structure.
Le pont de la Confédération a été construit pour avoir une durée de vie de 100 ans. Ce pont le plus long au monde à être entouré de glace vit des conditions météorologiques difficiles de nombreuses fois par année.
Les ingénieurs ont installé les 750 capteurs pour surveiller son état et s’assurer qu’il demeure sécuritaire tout au long de son service. Ils détectent les plus légères distordissions causées par les changements de température, la vibration des autos, les tremblements de terre et surtout par la glace.
Les capteurs à charge sont installés dans les piliers du pont et mesurent l’effet de la glace qui se percute contre eux.
« Les capteurs à l’intérieur se déforment sous la pression. Nous mesurons la déformation », explique Tom Brown, professeur de génie civil à l’Université de Calgary et consultant principal en glace du pont de la Confédération pour Travaux publics du Canada (TPSGC).
Les données relevées servent à vérifier les hypothèses de construction, puisqu’un tel pont n’avait jamais encore été vu.
« Le design de ce pont n’est inscrit dans aucun code ou standard », soutient David Lau, professeur en génie civil et environnemental à l’Université Carleton et responsable du monitorage du pont. « Il n’y a aucun exemple à suivre. Nous avons vraiment poussé les limites de la technologie. »
Les données recueillies par les capteurs sont inscrites dans un système nommé Igloo. S’y ajoute des images vidéo enregistrées 24h par jour. À partir de cette information, les chercheurs peuvent comprendre les effets sur la structure du pont et déceler les faiblesses quand elles apparaissent.
C’est dans le but de prévenir au lieu de guérir que ce système perfectionné a été installé. Le professeur Lau espère que cette approche préventive se répandra à d’autres types de structures.
« Très souvent au Canada… nous ne renouvelons pas nos infrastructures avant de voir qu’elles sont brisées, et c’est habituellement trop tard », estime M. Lau. « Ce n’est pas le moyen le plus efficace de répartir nos ressources. »
En sachant comment le pont de la Confédération risque de réagir, Travaux publics peu intervenir à temps.
« L’information est très utile pour la gestion de la performance du pont », explique M. Moe Cheung, directeur de la technologie et de l’environnement aux Travaux publics. « Les données nous aident à prévoir l’entretien. »
Les scientifiques responsables de l’interprétation des données sont satisfaits, mais ne se vantent pourtant de rien.
« Nous n’avons pas encore vu d’hiver très sévère », précise Tom Brown. Le professeur estime que seul un hiver vraiment froid avec de gros bouts de glace sous forte pression peut véritablement prouver l’efficacité du système et du pont.
Le Canada ne contribue pas seul au projet ayant suscité l’intérêt de la National Taiwan University et du National Center for Research on Earthquake Engineering. Cette collaboration est le premier test structurel hybride à avoir lieu entre deux continents.
-Nathalie Caron
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