De vice caché à divertissement approuvé

La dépendance financière des gouvernements aux revenus des jeux de hasard mène à leur généralisation. En 2003, cette activité touchait 80 % des adolescents canadiens, influencés par l’image de charme présentée par les annonceurs et leur place imposante dans Internet.

Ce sont certaines des observations tirées du rapport Mettre en jeu l’avenir (de nos enfants) publié hier, par l’Institut Vanier de la Famille.

Alors que plus de 1,2 million de personnes démontrent au moins un signe du jeu compulsif, les profits des gouvernements ne font que grimper. Ceux-ci se chiffraient à 13 milliards $ en 2003.

Les retombées économiques pour les gouvernements sont alléchantes. Pourtant, 40 % de ces revenus proviennent uniquement de 2 % à 4 % d’adultes aux prises avec une dépendance au jeu.

D’ailleurs, parmi les revenus générés au Canada, seulement 1,2 % de ceux-ci sont appliqués aux programmes visant à limiter le jeu compulsif. Les recherches jusqu’à présent se sont surtout penchées sur le jeu pathologique comme problème individuel, plutôt que comme phénomène culturel.

L’Institut estime qu’entre 4 % et 8 % des adolescents montrent les traits de joueurs pathologiques. Cette dépendance est encouragée par les parents qui les initient au bingo ou glissent des billets de loterie dans leurs bas de Noël.

Mais plus encore, la facilité d’accès du jeu sur Internet et l’aisance que démontrent les jeunes face à Internet accroissent leur vulnérabilité. Les joueurs en ligne sont d’ailleurs dix fois plus susceptibles d’avoir des problèmes. En 2003, les compagnies de poker en ligne généraient près de 34 millions $US par mois.

« D’ici cinq ans nous verrons les gouvernements avaliser sans hésitation les jeux de hasard en ligne. (…) Si, comme nous le croyons, le gouvernement y souscrit, je crois que nous serons témoins d’une catastrophe en matière de problèmes de jeu », estime Robert Wood, sociologue à l’Université de Lethbridge, cité dans le rapport.

Selon le rapport, 90 % des joueurs compulsifs ont pensé au suicide, alors que 20 % des joueurs en rémission ont tenté de mettre fin à leurs jours.

Les ménages canadiens consacrent en moyenne 1080 $ annuellement au jeu, pour en perdre au moins la moitié. Cette somme est plus élevée que celles allouées à l’éducation, à l’hygiène personnelle et presque aussi grande que le montant dépensé pour les soins de santés.

L’institut recommande au gouvernement de procéder à une campagne de sensibilisation publique.

« La plupart des gens sont inconscients de l’omniprésence du jeu. (…) ils ne connaissent pas les véritables cotes, c’est-à-dire le rapport entre les chances de perdre et les chances de gagner », indique Garry Smith, professeur de l’Université de l’Alberta.

L’Institut Vanier demande à ce que des programmes éducatifs en milieu scolaire viennent renforcer cette conscientisation auprès des jeunes.

« Il faudra que les commissions scolaires réfléchissent à l’impact sur leurs étudiants de certaines de leurs stratégies de levées de fonds (sic), qui souvent incluent des bingos, des tirages au sort, des loteries et même des soirées de casino », soutient l’Institut dans son rapport.

La surveillance de la publicité sur le jeu est également préconisée. Elle ne devrait pas idéaliser le jeu et n’être présentées que pendant les heures d’écoutes destinées aux adultes.

Une recherche plus poussée sur la question permettrait de mieux convaincre la population des véritables dangers des jeux de hasard. Ceux-ci peuvent aller du suicide, à la fragmentation de la famille ou encore de la perte de confiance des enfants envers leurs parents.

« Les profits, eux, sont faciles à mesurer. (…) Les coûts, en revanche, sont beaucoup plus difficiles à évaluer; souvent ils ne se manifestent qu’après plusieurs années, et peuvent demeurer invisibles », dénonce Garry Smith.

-Nathalie Caron

Faits saillants du rapport Mettre en jeu l’avenir (de nos enfants)

% des adolescents prenant part au jeu --- 80 %
Profits bruts liés au jeu en 2003-2004 --- 13 milliards $
Emplacements de jeu légaux au Canada --- 145 000
Argent perdu au jeu en moyenne en 2003-2004 --- 596 $ par personne
% des profits provinciaux devenus subventions de charité --- 7 %
% revenus du jeu appliqués aux programmes contre la dépendance --- 1,2 %

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